« la tendance figurative est célébrée {…} comme une libération des carcans abstraits et conceptuels »

Partant du constat d’un intérêt renouvelé pour des pratiques figuratives et expressives  (un intérêt visible dans les ateliers et les écoles d’art aussi bien en Suisse qu’à l’international), l’exposition Zeitgeist qui se tiendra au MAMCO du 22 Février au 7 Mai 2017 dessine une arborescence généalogique de celles-ci, en réunissant une quarantaine d’artistes européens et américains actifs entre les années 1960 et aujourd’hui.

ZeitgeistSi le titre (l’esprit du temps) entend bien qualifier un climat actuel, il renvoie également à une exposition éponyme tenue au Martin Gropius Bau de Berlin en 1982. Très discutée à l’époque, elle témoignait de la déferlante figurative et expressionniste qui s’abattit de part et d’autre de l’Atlantique, entre néo-expressionnisme américain, Transavanguardia italienne et Neue Wilden allemand. A la fois constat et manifeste d’une époque, l’exposition berlinoise a marqué l’histoire de l’art récente comme un point d’acmé dans les débats entre modernes et post-modernes, souvent argumentés en termes de vie et de mort de la peinture.

On retrouve au MAMCO en 2017 un monumental diptyque de David Salle, Zeitgeist II, exposé au Martin Gropius Bau en 1982. A elle seule, cette oeuvre permet d’évoquer la controverse historique, tant le peintre a pu cristalliser les débats houleux autour de la figuration.

A l’orée des années 1980, si la tendance figurative est en effet dénoncée par certains comme académique, réactionnaire et dictée par le marché, elle est célébrée par d’autres comme une libération des carcans abstraits et conceptuels qui ont prévalu dans le récit moderne d’après-guerre.

Ce retour de la figure s’entrevoit donc ici comme celui d’un refoulé ; et la peinture peut désormais s’aventurer aussi bien sur les terrains du grotesque que de l’abjection.

Ces débats artistiques internationaux ont trouvé une résonance particulière en Suisse. Dans le Zurich des années 1970, les frasques artistiques d’un Friedrich Kuhn sont autant de désaveux du dogme de Max Bill et de l’abstraction concrète, tandis que Peter Fischli et David Weiss puisent dans l’art brut et le folklore des motifs propices à questionner la virtuosité et le statut de l’artiste.Zeitgeist

Longtemps perçu comme un récit parallèle pris dans une dialectique outsider / insider, cette « autre » tradition, cette « autre » modernité apparaît aujourd’hui comme une extension du champ des possibles picturaux. La culture populaire, les mythes ou l’ironie sont désormais autant de tropes au service des artistes.

L’exposition du MAMCO conduit le visiteur à travers plusieurs étapes de ce récit divergent, envisagé dans une géographie transatlantique.

Les pratiques les plus contemporaines ne sont pas en reste, avec des contributions de jeunes artistes tels que Caroline Tschumi, Seyoung Yoon, Walter Price, Sarah Tritz, Hayan Kam Nakache ou Konstantin Sgouridis. Celles-ci nous rappellent qu’à l’ère du numérique et de la saturation des images, les pratiques contemporaines sont peut-être davantage figurales que figuratives et que l’expressivité s’envisage comme un outil critique plutôt que le témoignage d’une subjectivité toujours incertaine.

Credit Photo 1: David Salle, Zeitgeist II, 1982, court. : Galerie Andrea Caratsch, St. Moritz.

Crédit Photo 2 : Mathis Gasser, Blue-eyed, 2009, collection privée.

Photo : Annik Wetter — MAMCO, Genève

MAMCO

Musée d’art moderne et contemporain, Genève

10, rue des Vieux-Grenadiers

CH-1205 Genève

www.mamco.ch